J'aime les larges rues bordées d'arbres de Tachkent: on y respire; le peu de voitures qu'il y a pour une capitale (même si leurs conducteurs sont pour la plupart des chauffards) laisse la place à une verdure reposant la vue. On n'y est pas assourdi par le bruit des transports, par celui de la foule. Non, Tachkent est d'une manière générale une ville calme. C’est pourquoi je l’apprécie tant !
Au début, on a l'impression d'une capitale terne où il n'y a rien à faire mais rapidement, on s'y fait des amis qui nous font découvrir les lieux où il fait bon aller, où cela bouge. Rapidement on s'y fait un nid et on prend du plaisir à y vivre. Aah, s’il n'y avait pas ces chauffards!!!
Tachkent est une capitale très étendue. Bizarrement le centre : Mustakilik, est désert et on n'y croise que peu de monde sauf en quelques lieux, principalement les marchés. Peu de magasins que ce soit des boutiques de luxe (quasiment absentes) ou autres (absents du centre mais fréquents autour). Mustakilik est formé de quelques bâtiments administratifs blancs qui rappellent ceux du Turkménistan, d'hôtels et de quelques commerces. Il est bordé de trois côtés par des lieux commerçants : au sud, le Tsum, l’ancien supermarché d’état du temps de l’Union Soviétique, entouré de petits magasins, d'une gare routière et de restaurants ; à l’est, le Mir Market est une galerie commerçante turque en plein centre jouxtée de magasins de semi luxe. Au nord, c’est le marché Oloïsky.
Car là où cela grouille de gens, d'énergie, ce sont les marchés : le marché ouzbek de Tchorsu, celui russe d'Oloïski ou de Parkientski où on y achète nourriture et vêtements. Et il y a la rue Navoi (Navoï Iarmarka) où se vendent informatique, appareils ménagers et meubles.
Tachkent me fait penser à Nantes où j'ai vécu auparavant : les avantages d'une grande ville (mixité ethnique, lieux de culture et de divertissements variés, diversité de produits) et les avantages d'un village : on y croise facilement en se promenant assez longtemps quelqu'un qu'on connaît.
Bien entendu, il y a des lieux où on aura plus de chance de croiser ses amis, ces lieux où on sort, où on les a rencontrés, ces lieux qui bougent. Et pour moi et ces amis, ce sont à la base trois lieux : le cinéma Muzei Kino, le théâtre Ilkhom et le bar VM.
Mais Tachkent ce n'est pas que cela : c'est aussi un mélange de cultures, d'ethnies vraiment étonnantes. Trois ethnies dominent : ouzbèque, russe et coréenne. Concernant l'ethnie russe, il serait plus exact de parler de culture russophone et d'englober tous les non ouzbeks (sauf coréens) c'est à dire : les tatars, les tadjiks, les kazaks, azeri....
Orientation.
Les ouzbeks sont les rois de la route dans leurs vieilles jigoulis et leurs petites Daewoo Matiz mais ce ne sont pas les rois de l’orientation! Si j'ai bien compris, c'est quelque chose de classique dans les anciennes provinces soviétiques : les gens ne savent pas lire un plan, de ville ou routier. Ils ont à peine une idée de s'ils sont au nord, au sud, à l'ouest ou à l'est de tel ou tel endroit. Non, je n'exagère pas! D'ailleurs, aux taxis, on ne donne pas une adresse mais un lieu, un bâtiment. Par exemple, moi j'habite à côté de labzak (le quartier) MTC (lire MTS) qui est le bâtiment de la compagnie de téléphone mobile dans le quartier. Tout se définit par rapport à des lieux. Et c'est en pure perte que l’on montrera un plan à un autochtone en lui demandant de nous indiquer comment nous rendre à un endroit précis. Une pure perte de temps et de salive…
Quartiers de la ville.
Comme dans toute l’ancienne Union Soviétique, on parle de rayon et de micro rayons, comprendre arrondissement et quartiers.
La vieille ville (quartier de Tchorsu et alentours) à l’ouest de Tachkent, typiquement ouzbek, a été rayée de la carte par le tremblement de 1966. Elle a été reconstruite et jouit toujours d’un certain cachet.
La partie centrale et tout le reste de la ville était d’inspiration russe. Maintenant depuis la « libération » de 1990 et plus particulièrement depuis les années 2000 le quartier du centre (Mustakilik) est désert et jalonné de grand bâtiments de (simili ?) marbre blanc comme au Turkménistan. Il n’y a rien à y voir. C’est désert, froid.
Les quartiers périphériques sont typiques de ces banlieues des villes de l’est avec des immeubles peu entretenus depuis vingt ans, des terrains vagues… Une géographie urbaine à l’abandon qui ferait frémir un occidental. Pourtant on s’y promène sans crainte, sans risques si ce n’est quelques rires ou regards.
Les quartiers les plus anciens ont une topographie de villages : ces sont les mahallas ouzbeks. Des grandes maisons basses, plus ou moins rutilantes suivant les moyens du propriétaires mais dans l’ensemble, ils aiment bien que cela brille, que ce soit kitch et quand ils ont l’argent, ils ne s’en privent pas, faisant preuve d’un goût extrêmement douteux faisant ressembler leurs maisons à des sortes de gros gâteaux crémeux. Mais pour la plupart, pauvre, les lieux restent modestes et bien entretenus. Ces maisons basses sont accompagnées de corps de bâtiments sur les côtés. Souvent un petit jardin grillagé jouxte les lieux. Quelques arbres fruitiers, des poules dans ce jardin. Les rues sont étroites et souvent des tonnelles les recouvrent partant d’une maison pour en rejoindre une autre en face. Des armatures métalliques supportent ces vignes qui donnent un raisin récolté par les propriétaires. Cela donne un côté chaleureux et champêtre aux rues des mahallas. D’ailleurs tout rappelle le village : ces maisons avec dépendances ont un air de fermes, les jardins avec leurs poules, le comportement des habitants… On retrouve en Ouzbékistan comme en France dans les années 70, une propension à l’exode rurale : beaucoup des habitants de Tachkent viennent des villages et en ont gardés les mœurs et les habitudes pas toujours judicieux dans une grande ville.
Les coréens, nombreux en Ouzbékistan, sont principalement installés à Kouïlouk et Ik-kata au sud de la ville.
Logement.
Les expatriés en famille prennent de préférence des maisons tandis que les célibataires s’orientent plutôt vers des appartements. C’est ce que j’ai fait. J’ai trouvé un appartement style soviétique avec peintures et tapisseries délavées pour 300$ par mois. Il fait environ 70 m2 et comprend trois pièces : un salon et deux chambres. Après quelques mois et sur les conseils d’un collègue, j’ai décidé d’investir dans cet appartement bien qu’il ne m’appartienne pas. J’ai donc refais à mes frais peintures, tapisseries et parquet (poncage) tandis que le propriétaire acceptait de signer un contrat sur deux ans sans modification possible du tarif de location et de changer certains meubles en déduction des loyers : lit fait sur mesure, réfrigérateur, gazinière, une armoire, un bureau et un canapé. On m’a fait comprendre que j’avais été bien stupide d’investir dans un appartement qui n’était pas le mien. Je m’en moque. Ce que je vois – tous les jours quand je rentre chez moi - c’est un appartement propre, neuf où je me sens bien. Je suis très content. D’autant plus qu’il se situe de l’autre côté de mon lieu de travail où je suis donc en trois minutes chrono. Il est au second étage d’un immeuble en briques rouges donc censé résister à un tremblement de terre d’amplitude moyenne du fait de l’élasticité des matériaux, dans un quartier calme. De ma cuisine, j’ai l’impression d’être dans une forêt car ma vue est bouchée par les arbres (ce qui ne gâche rien car il n’y a rien à voir !). Et puis surtout, pas de problème de chauffage en hiver. Au contraire, il y fait trop chaud !
Lors des travaux d’intérieur, j’en ai profité pour modifier les pièces : le salon est devenu la chambre à coucher et les deux chambres : deux cabinets de travail, l’un théoriquement pour Alexandra, l’autre pour moi, chacun avec son armoire et son bureau, elle pour y peindre et y faire son français, moi pour y écrire et y faire de la musique.
Transport.
L’Ouzbékistan est-il un pays qui montre la voie du progrès en matière d’écologie et de travail ? On peut se le demander avec pour seul exemple celui des taxis.
En Europe l’idée émergente de réduction du taux de carbone par le covoiturage est difficile à mettre en place : ce n’est pas dans la culture de nos gens. Ici, en Ouzbékistan, c’est chose faite : pas la peine d’avoir une voiture, tout le monde fait le taxi ! Je sors, lève la main sur le bord de la route et aussitôt une, voir deux voitures manquent de peu l’accident pour s’arrêter et m’emmener.
Evidemment le service n’est pas gratuit. Mais pour 2 000 soums environ (soit 1€) comme expliqué précédemment, je peux couvrir quasiment toutes les places importantes de Tachkent, à moins d’habiter dans un quartier éloigné. Même pour aller à l’aéroport qui est aux portes sud de la ville (et pas à 15 Kms comme c’est souvent le cas dans les capitales…Je vous le dis : l’Ouzbékistan, c’est magique !), il ne vous en coûtera que 5 000 soums, au maximum 8 000.
Pays de la libre entreprise également et de la libre concurrence : si le prix de la course (à fixer au début !) est trop cher, vous pouvez toujours arguer qu’il y a une voiture juste derrière qui elle acceptera votre prix.
Ces marchandages sur le prix de la course amènent souvent à des discussions parfois cocasses entre chauffeur et client.
"Vous êtes allemand?"
Assis sur le siège arrière à côté d'A., je regarde légèrement étonné et soupçonneux le chauffeur de taxi dans son rétroviseur intérieur.
"Non. Pourquoi?"
A. sourit.
"Si, si! Vous êtes allemand! Vous avez le visage d'un allemand. Je reconnais votre accent!"
Je n'ai toujours pas compris où il veut en venir.
"Non... Je suis belge." Je ne sais pas vraiment pourquoi je réponds cela, peut être parce que ma mère avait des origines belges et que la question du chauffeur me surprend.
"Et moi je suis japonais!" me répond-il. Son voisin, à l'avant, un client comme moi sourit. Je regarde Alexandra, les yeux grands ouverts, pas sûr d'avoir bien compris.
"Mais vous, vous êtes allemand! Il n'y a que les allemands pour vouloir payer 1 000 soums pour aller de Oloïsky à Labzak MTS."
Enfin! Je comprends. L'éternelle complainte du chauffeur de taxi dont la course est sous-estimée!
A. me regarde avec un air de "ça y est, tu as compris!"
(A. n'aime pas parler dans les taxis ou alors en anglais mais certainement pas quand un dialogue s'est instauré entre moi et un chauffeur).
Je ne pense même pas à l'envoyer balader. Il m'a fait rire. Je joue le jeu.
"Da, un peu... A moitié français, à moitié allemand!"
"Ah, je le savais!"
Mais d'où vient cette équation : allemand égal radin?? Je n'aurai pas le temps (ni l'envie en fait) d'y réfléchir. La Daewoo s'arrête et dépose son passager avant. Je saisis la balle au bond :
"Et lui il est allemand aussi?" (un pur ouzbek vient de sortir de la voiture)... et me fait prendre à mon propre piège :
"Lui, non, pas du tout : il est japonais!"
A l'arrière, on éclate de rire.
Evidemment le zèle des chauffeurs pour vous emmener peut être énervant et risqué.
On va vous héler n’importe où. Parfois alors même que vous venez de sortir d’un taxi et que vous traversez la route pour aller de l’autre côté. Un taxi à l’arrêt (vous a-t-il vu descendre ou non ??? On pourrait penser que oui mais…) vous fait signe, vous aborde « Taxi nada (vous avez besoin d‘un taxi)? » Vous avez envie de lui répondre « Nada (rien) ! » fier de votre jeu de mots russo-espagnol mais vous vous en abstenez sachant qu’il ne comprendra rien et qu’il vous prendra d’autant plus la tête que ce mot a en espagnol et en russe un sens diamétralement opposé. Et encore s’il se contentait de vous interpeller ? Mais le plus souvent, il donne plusieurs coups de klaxon et là, tout tranquille que vous êtes dans vos pensées à rêver, vous voici brutalement ramené à la réalité bruyante de la ville. Oh, comme cela peut m’énerver ces coups de klaxons réguliers dès que vous êtes sur un trottoir !!
Il y a aussi ceux qui alors que vous êtes en train de traverser et aborder la deuxième moitié de la rue, arrivent et se mettent à ralentir. Vous hésitez à traverser, vous ne comprenez pas ce qu’il veut faire. S’arrête, s’arrête pas ?? Et vous restez par précaution au milieu de la route entre les deux voies au risque de vous faire accrocher…Et là, la haine monte !!! Vous voudriez les tuer lorsqu’ils s’arrêtent juste en face de vous alors qu’ils vous empêchent ainsi d’accéder au trottoir, vous obligeant à rester au milieu de la voie et qu’ils vous demandent « Taxi nada ?» Mais se rendent-ils donc compte de ce qu’ils font ??? Oui, les tuer, vous y pensez fortement !!!
Pourtant le danger réside principalement une fois que vous êtes à l’intérieur du véhicule. Si vous êtes à l’arrière, hourra ! Si vous êtes à l’avant, malheur !! Car lorsque vous voudrez mettre votre ceinture de sécurité, soit votre conducteur vous dira que ce n’est pas la peine : « je sais rouler ! » en rigolant genre « vous êtes bien un dégonflé ! », soit vous constaterez tout simplement que la ceinture ne fonctionne pas ! Et d’ailleurs, si par hasard, elle fonctionne, un conseil : prenez le temps de la nettoyer là où elle va reposer sur votre chemise ou veste car il est fort probable qu’elle soit sale, sale, sale n’ayant jamais été utilisée et qu’elle tache votre bel ensemble !
Les ouzbeks roulent n’importe comment !
Règle première : la voiture est reine, le piéton n’est rien puisque… il est à pied !
Règle deux : rouler vite pour frimer ! Ils roulent vite oh ça oui ! Surtout en ville, dans les routes de montagne, en transport en commun…Ils doublent par la droite, par la gauche. Deux files au sol? Pourquoi faire : on peut mettre trois voire quatre voitures de front, non ?? On zigzague, on fait crisser ses pneus, on emprunte les couloirs de tramways…Bon, tout cela c’est du classique, de l’archi classique mais l’ouzbek se distingue quand même par quelques spécialités maisons :
- l’usage de la marche arrière,
- la conduite à contre sens.
En France, quand vous traversez, vous regardez -normalement- à gauche puis à droite : du côté où sont censées arriver les voitures... Et bien ici, ça vous conduira à l'accident sur et certain! Il faut regarder à gauche puis à droite, traverser la première voie puis recommencer : droite gauche et finir la traversée!
Car ici les voitures peuvent venir des deux sens puisqu’il existe en Ouzbékistan la conduite à contre sens ! Si un ouzbek veut aller se garer de l'autre côté de la rue, pourquoi s'ennuierait-il à aller jusqu'au prochain carrefour, faire demi-tour et revenir? Perte de temps et peut être perte de la place (bien qu'on soit bien loin des problèmes de stationnement qu'on connaît en Europe) ? Non il est bien plus simple de traverser la route, de rouler à contre sens sur une dizaine de mètres et de se garer! Ben, oui, il est où le problème?? Le pire c'est que cela n'a pas l'air de choquer ni ceux qui le font ni ceux qui arrivent dans le bon sens. De bon sens justement, il n’y a point ici!!
Je revenais du café GAP avec A. Le carrefour de Labzak MTC est particulièrement risqué et je dois en traverser les deux rues pour retourner au Centre Culturel. J'ai donc l'habitude de passer la première rue avant d'être rendu au carrefour : moins de véhicules, moins de démarrages en trombe. Nous discutons avec Alexandra et je suis pratiquement de l'autre côté, elle étant déjà sur le trottoir, quand j'entends derrière moi un gros coup de klaxon : "Tuuuuuuut!!!" Un type arrive à contre sens! Vu sa position, il était sans doute garé à l’opposé sur le côté gauche de la chaussée et devant tourner à gauche, il n'a pas jugé nécessaire de passer sur la file de droite pour tourner dix mètres plus loin!! N'importe quoi... Et en plus il me klaxonne dessus comme si j'étais moi en faute, parce que je le gène!!! Et puis quoi encore!! Je me retourne et l'engueule. Il me dépasse, ralentit et m'insulte par la fenêtre. Je gueule encore plus fort et l'insulte... En slovaque. Ben oui, je parlais mieux slovaque que russe à l'époque mais de toute façon, je crois qu'il a compris!!! Et il n'a pas demandé son reste. Alexandra m'a déjà dit que quand je suis vraiment énervé, j'ai vraiment l'air méchant...
Bon mais ce n'est pas tout car existe aussi la marche arrière ! Les ouzbeks en font un outil de conduite propre en soi alors que nous, stupides européens, nous n'utilisons cette possibilité qu'exceptionnellement et seulement sur quelques mètres. Eux, ils innovent : ils vont vers le progrès... En marche arrière. Et sur cent ou deux cent mètres facile! Ben oui, la rue est là, derrière, pas très loin et le carrefour il est là-bas ! Où ça? Là-bas, tout là-bas!! Ah oui... Là, juste là!...Pas la peine de discuter, juste espérer que tout se passera bien... Et tout se passe bien... La plupart du temps.
Bizarrement je n'ai vu que peu d'accidents et généralement sans gravité mais parfois cela reste assez impressionnant : voiture retournée on se demande comment, épaves d’un carambolage qui restent au milieu d’un carrefour.... Je me rappelle cette fois en face de chez moi, sur le parking de la station de lavage (les "moïkas") : une voiture sur le dos comme les tortues (qu'on adore ici !). Comment est-ce possible ? C'est simple, le chauffeur a démarré en trombe de la moïka sans regarder et s'est pris une voiture de plein fouet : un tour de manège à 360 degrés et la voiture s'est retournée pour se retrouver à son point de départ. Mystère de la cinétique des corps. Plus de peur que de mal. Tous les types de la moïka étaient là autour de la voiture qui avait été réexpédiée sur leur parking qu'elle venait de quitter, à discuter du pourquoi et du comment, musique à fonds... Car les moïkas ne sont pas ici de simples stations de lavage : c'est le nec plus ultra en matière d'endroit où sortir! Ou cette fois, en plein carrefour, une petite Matiz est arrêtée là sans personne à l'intérieur. De l'autre côté du carrefour, l'autre voiture accidentée (le véhicule auparavant neuf d’un expatrié allemand) avec les deux chauffeurs. La Matiz est restée bien une demi-heure au milieu du carrefour sans que cela ne gène personne! Ce n'est pas tant la gravité des accidents dont on se souvient mais la situation qui est incompréhensible, étonnante voire absurde.
Le plus souvent, dans les taxis, les discussions portent sur le mariage, les enfants et dieu. Elles prennent un ton assez cocasse même étrange et parfois un peu risqué mais le plus souvent drôle…
En ce samedi, nous profitons du week-end pour aller à la gare acheter des billets de train pour Samarkand.
Le type qui nous prend commence à poser les questions habituelles mais d’une façon assez étrange :
Le type qui nous prend commence à poser les questions habituelles mais d’une façon assez étrange :
Lui : « Vous avez une belle femme ! »
Moi : « Merci. »
Il fait quelques remarques sur les femmes qui sont légèrement grivoises. Nous ne relevons pas.
« Vous êtes marié ? »
Réponse courte et appelant normalement à clore la discussion mais comme souvent le chauffeur soit s’en moque, soit ne comprend pas que nous ne voulons pas discuter avec lui.
« Non ! »
« Non ? Et vous avez des enfants ? »
« Non ! »
« Pourquoi ? »
Il commence à me fatiguer. Je réponds en le provoquant.
« Les enfants sont inutiles !»
« Mais quand vous serez vieux, ils prendront soin de vous ! »
Cet argument qui revient régulièrement dans la bouche des gens me révulse.
« Je n’en veux pas ! »
Et pour détourner la discussion de nous je lui retourne la question :
« Et vous ? »
« Oui, cinq ! Trois filles et deux garçons qui travaillent bien et auront un bon travail si dieu le veut ! »
Je ne sais pas par quelle circonvolution de l’esprit, je lâche une phrase qui au lieu d’apaiser la conversation l’enflamme de nouveau :
« Oh, dieu, il n’a pas grand chose à voir avec cela ! »
« Si ! Dieu y pourvoira ! »
« Je ne sais pas ! »
« Vous n’êtes pas musulman ? »
« Non, en Europe, les gens sont plutôt chrétien ! »
« Haaa (soulagé !), vous êtes chrétien ! »
« Non, je ne crois pas en dieu, je suis athée ! »
« Vous ne croyez pas en dieu ??? »
J’ai cru à ce moment qu’on allait se planter dans le bas fossé !
« Non ! »
« Ooooooh, ce n’est pas bien !! Dieu est là, il faut croire en lui ! Pourquoi vous ne croyez pas en dieu ! »
« Dieu c’est comme les enfants, c’est inutile ! »
En disant cela, je me demande si on va arriver vivant à bon port ! Heureusement le type réagit bien !
Il commence à me parler des scientifiques qui croient en dieu : Einstein, Newton, … Cultivé le gars, plus que moi !
La discussion dure un temps sur le sujet, heureusement notre destination apparaît !
En sortant, A. éclate de rire :
« Dieu c’est inutile comme les enfants, ahahahahah !!! »
… Pas toujours drôle.
Ce samedi après midi, nous allons chez un dentiste à Chilanzar pour me soigner une dent.
Mais soudain le taxi s'arrête en plein milieu de la voie express : un bouchon! C'est rare à Tachkent! On patiente cinq... Non deux minutes. Puis je m'énerve et descends du taxi à l'arrêt en hurlant :
"Vous ne pouviez pas le voir que c'était bouché!"
"Comment je pouvais le savoir!"
"Ce n'est pas mon problème. C'est votre boulot!"
Le chauffeur me traite d'âne (abruti!). Il n'a pas vraiment tord!
A. me suit en pleurs.
Le lendemain, je serai malade comme un chien : j'ai mangé une saloperie ce midi que je finirai par vomir le lendemain midi après plus de 24h... La seule fois où j’ai été malade à cause de la nourriture ! Peut-être est-ce cela qui commençait à jouer sur mon état physique et émotionnel. Peut-être que non et que je suis simplement quelqu'un de pas très malin et sacrément con parfois !!!
Le grand lieu de frime, là où les hommes, les vrais se mesurent, ce n'est pas le terrain de foot, la piste de danse, le montant de sa fiche de paye, non c'est là encore et comme dans beaucoup d'endroits la voiture et surtout le lieu culte qu'est la Moïka comme écrit précédemment.
Moïka veut dire station de lavage. C'est plus précisément un petit garage avec toutes ses activités où la principale est le lavage de sa voiture. Je le sais, j'en ai une de l'autre côté de la rue. Evidemment, cela se fait, fenêtre ouverte, musique à fond et torse nu si le temps s'y prête. Parfois même le moteur est en marche. Le propriétaire met la main à la pâte ou non mais même là, les employés se mettent torse nu et briquent l'engin comme si c'était le leur. Une sorte de transfert. On peut aussi se faire regonfler les pneus, vidange, équilibre des roues, et quelques réparations de bases. Oui plus un petit garage qu'une station de lavage mais je vous assure que ce dont on se souvient c'est cette activité.
On retrouve cela à Bakou. Mais là, cela prend une autre dimension. D'abord, à Bakou, il y a essentiellement de grosses grosses voitures et beaucoup beaucoup !! Si on y ajoute le fait que la ville est en perpétuelle reconstruction et agrandissement, on imagine facilement les bouchons et ralentissements qu'il peut y avoir et qui n'ont rien à envier à ceux de nos capitales européennes chéries. Et à Bakou, il pleut plus souvent qu'à Tachkent. C'est aussi la ville de l'or noir en Asie Centrale. Donc après la moindre pluie, les voitures sont sales sales sales. Et on les lave donc, dans le centre ville, parfois sur les trottoirs mêmes : ça gène le passage des piétons mais pas tant que ça, les piétons eux-mêmes aimant avoir leurs aises et marchant sur la chaussée où les voitures sont bloquées par les embouteillages. Et ça klaxonne, encore et encore. De jour comme de nuit, le centre est un enfer. Non, Bakou n'est pas ma ville préférée bien que j'y aie d'excellents souvenirs et que j’y ai habité presque un an... en plein centre.
Ah, les taxis! Au tout début de mon arrivée à Tachkent, il m'est arrivé une anecdote comique.
A. que je connaissais à peine et son amie Mila, une coréenne ronde, avaient décidé d'aller au restaurant dans le quartier coréen de Ik-kata au sud de Tachkent. On a donc pris un premier taxi qui devait nous déposer à Kouïlouk. Arrivée à la gare routière et au marché de Kouïlouk, apprenant où nous allons, le chauffeur nous propose de nous emmener à destination : il connaît le restaurant car il a de la famille (ou des amis, je ne sais plus trop bien!) qui habite à côté. Nous, nous sommes bien content de ne pas avoir à chercher un nouveau taxi. Cela prend dix autres minutes pour s’y rendre. En tout, vingt bonnes minutes de trajet. Ik-kata est un quartier de petites maisons avec un air de campagne. Le taxi tourne dans la dernière rue et.... Crac!!!! Sa partie avant droite s'affaisse. Nous sortons tous regarder ce qu'il s'est passé. En fait, quelque chose s'est cassé et la roue s'est détachée. Là, plus possible d'aller plus loin! Notre restaurant est à cent mètres. Bien ennuyés, nous payons la course au type et le laissons là avec sa roue. Nous lui avons bien proposé de l'aider mais il a refusé : qu'aurions nous pu faire? Nous allons donc manger notre bon repas coréen mais cela c'est une autre histoire narrée plus loin. Huuuumm, deux petites heures après nous avons fini. Nous repartons par où nous sommes venus en pensant déjà à trouver un taxi. Nous croisons une fourgonnette bus qui me fait bon effet : A. m'explique qu'il s'agit d'un corbillard.... Ha, bon ben, on va continuer de chercher ! Et là, au bout de la rue, nous apercevons le taxi qui nous a amené! Le chauffeur est entouré de deux autres types et ils finissent juste de réparer sa roue. Juste quand nous arrivons! A peine croyable! Nous lui demandons à moitié en rigolant moitié sérieusement s'il accepterait de nous ramener dans le centre. La situation le fait sourire et il accepte bien volontiers. Nous voilà donc reparti en nous demandant ce qu'il va nous arriver, mais bien sur tout se passe bien. Nous passons à côté de chez Alexandra qui aperçoit son frère dans la rue. J’ai à peine le temps de le voir. Et finalement le taxi nous dépose entier à côté du théâtre Navoï. Mila nous a quittés avant pour aller voir d'autres amies. Moi et Alexandra sommes donc seuls et nous marchons vers le conservatoire où doit se tenir un concert de jazz japonais... Mais là aussi, c’est une autre histoire.
"Les ouzbeks sont hospitaliers! Vous ne trouverez pas de peuple plus hospitalier et chaleureux!" C'est un chauffeur de taxi qui me raconte cela évidemment. "On peut venir chez son ami quand on veut. Il sera toujours content de nous accueillir et si par hasard, on passait à côté de chez lui sans aller le saluer et qu'il l'apprenait, il en serait peiné! Vous pouvez aller n'importe quand chez un ouzbek et vous y serez reçu comme un roi, l'homme vous proposera de partager une bière avec lui, la femme se mettra aux fourneaux pour préparer le repas! Ce n'est pas comme ça chez vous, hein!"
Que lui répondre? Que généralement si! Que l'ami vous ouvrira la porte, vous invitera à vous poser cinq minutes ou plus mais que d'un autre côté, la politesse voudrait qu'on appelle d'abord ce qui est souvent le cas, que cela dépend aussi du degré d'amitié avec la personne mais que par contre la femme ne se mettra pas à cuisiner parce que les rapports sociaux homme femme ne sont pas les mêmes. Oui, j'aurais pu mais je me suis contenté de le conforter dans son idée... Pourtant aucun ouzbek ne m'a jamais invité chez lui. Par contre, les perses oui, souvent, alors que je n'étais qu'un touriste et ne suis resté en Iran qu'un mois. Là-bas, oui l'accueil fut chaleureux. Ah, magnifique Iran!
Quant on demande aux chauffeurs de taxi comment c'était "avant", ils sont tous unanimes : à l'époque de « Sovietsky Soyouz » (l'Union Soviétique), tout allait mieux ! On avait le temps de se promener, de rencontrer des filles, on pouvait boire un verre sans se demander si c'était le dernier. On partait en vacances en Ukraine, en Bulgarie, à la mer ou la montagne, on pouvait aller à Moscou par l'avion pour un week-end pour par grand chose. Tout était moins cher, plus simple... Maintenant les gens vivent avec si peu. Ils doivent avoir plusieurs travails. Comment faire autrement quand le salaire moyen de 400 000 soums (200 euros environ) suffit à peine à une personne économe pour vivre 15 jours? Le travail des enfants dans les champs a repris....
Tous les jours, je me méfie. Il n'y a qu'une rue entre moi et mon bureau mais à chaque fois que je la traverse, je me dis que ça va être la dernière.
Une chose qui est pour moi surréaliste, c'est faire du vélo ici. D'ailleurs, on en voit peu. Les motos sont interdites dans la plupart des rues pour des questions de sécurité (du président!) et les vélos quasi inexistants. Mais il y en a quand même! J'en ai vu ! Comme ces cyclistes avec tout l'attirail qui s'arrêtent au coin de la rue à Kosmonovtlar et qui, vélo à terre, s'accordent une petite pose : clope au bec, bière dans une main, paquet de chips dans l'autre. Une scène qu'on croit tout droit sortie d'un film! Ou ce collègue qui a acheté un vieux vélo pour deux francs six sous au marché de Iangiabat et qui crève sans arrêt. Bilan : on le voit régulièrement arriver avec le cadre de son vélo à l'épaule, les roues dans les mains : "il a bien fallu que je le démonte pour le faire renter dans le taxi!" Ouais, pas de chance... Une fois de plus!
Les ouzbeks n'échappent pas non plus à un grand classique mondial... Que je pense d'ailleurs plutôt réservé à la sphère asie et moyen orientale : le mariage en limousine. Une belle grande limousine noire, la mariée en blanc, l'homme en noir. Que font-ils dans la limousine qui les conduit au restaurant ou sur un site photogénique, mystère?? Toujours est-il que la limousine est entourée d'un cortége de voitures dont une qui la suit de prêt, toujours juste derrière, sur le côté ou devant. Pourquoi? Parce qu'il y a à l'intérieur un type qui filme le trajet en continue et qui, de façon à avoir des supers beaux plans, n'hésite pas à sortir par la fenêtre sa tête, puis son torse puis ses hanches... Ouf, ça s'arrête là! Je le voyais déjà perdre l'équilibre et tomber sur l'asphalte à 60 km/h… Tiens, il remet ça !!!
Les animaux ne sont pas mieux lotis que leurs maîtres pour traverser les routes à l'instar de ce petit chat qui est sur le trottoir sous les arbres et qui, au moment où je le dépasse, se met à courir devant moi pour débouler sur la route et la traverser alors qu'une voiture arrivait au même moment. Il est passé! Mais à sa place, je n'aurai pas tenté le sort.
Santé : hôpitaux et médecins.
Je suis parti avec l’idée d’éviter tant que faire ce peu d’aller voir un médecin en Ouzbékistan. N’importe quel médecin.
Prenant mes précautions, je me suis donc occupé de mes dents pendant six mois avant mon départ afin d’éviter tout problème sur place. Qui plus est, heureusement je tombe rarement malade !
Pourtant j’ai eu plusieurs fois l’occasion de faire à tour chez un médecin.
Je ne sais pas si c’est à force de prendre l’avion, l’air conditionné des vols, les changements de temps, de lieux…Mais je suis revenu du Turkménistan en juin 2009 malade comme un chien. Cela m’est tombé dessus à Achkhabad que j’avais rejoint depuis Bakou. Normalement je faisais Tachkent – Achkhabad aller retour mais là j’avais tenté une autre voix, via Bakou car revenant de Géogie. Cela ne m’a pas réussi… J’étais logé dans un hôtel du plus pur style soviétique en plein centre ville, un hôtel des années 70 bien tenu et propre mais il ne fallait pas en demander plus. Soviétique car à chaque étage, se tenait une gérante qui restait toute la journée sur place, s’occupait des lieux et de ses locataires.
La mienne, voyant que je commençais à tousser, m’offrit de m’apporter du thé. Nous étions un vendredi et le lendemain, nous devions aller avec des collègues visiter Nissa, ville ancienne aux abords de Achkhabad.
Bien que pas du tout en forme, je me suis levé et suis parti avec le collègue qui était venu me chercher. Nous sommes passés prendre la directrice ainsi qu’un enseignant et nous nous sommes rendus sur les lieux. Une visite agréable, classique. Des ruines, des murs de terres, des excavations au sol délimitant des rectangles, fondations de ce qui devait être les pièces d’habitations. Il faisait beau et chaud mais je n’avais qu’une envie : rentrer à l’hôtel et dormir. Au retour, nous sommes allés manger dans un restaurant au milieu des arbres, au bord d’une route, en bas d’une falaise, un ruisseau de l’autre côté. Un restaurant assez réputé si je me souviens bien… Mais je ne sais plus du tout ce que j’y ai mangé. Pas grand-chose je crois.
Je suis reparti le lendemain en avion (ça c’est sur) à Tachkent toujours malade. Peut être étais-je en froid avec Alexandra à cette époque (cela nous arrivait souvent alors !), je ne sais plus mais ce dont je suis certain c’est qu’elle ne s’est pas occupée de moi. C’est Elena, ma secrétaire, qui m’a conduit le lundi après midi à l’hôpital. Un hôpital en brique rouge, bien réputé… Le même hôpital où nous avions été moi et Alexandra pour faire des tests VIH quelques mois auparavant. La mère d’Elena y travaillait. Elle m’a obtenu un rendez-vous chez le radiologue tout de suite. Bilan : bronchite aiguë ! On a ensuite été faire les courses pour me soigner. Elena était très médecine naturelle et homéopathie. Moi j’étais juste fatigué et me contentais de suivre et approuver. Je me souviens du seau de framboises acheté. Tout un seau avec deux ou trois kilos de framboises à manger rapidement en deux ou trois jours pour qu’elles ne se perdent pas et pour que mon organisme ait les oligo-éléments afin de se soigner. D’autres fruits, un sirop et un autre truc du même genre. Et j’ai commencé ma cure. Après quelques jours, j’allais mieux !
Bien qu’ayant pris mes précautions pour mes dents, après quelques mois je commençai à avoir mal. Alexandra décida de m’accompagner et de faire quelques examens afin de connaître l’état de ses dents car elle n’avait jamais été chez un dentiste auparavant. La pauvre !!! Ce fut le début d’un pénible et douloureux épisode qui semble être maintenant clos mais après maintes difficultés.
Je demandai donc à une collègue recrutée locale l’adresse d’un bon dentiste car sa mère étant médecin, elle devait avoir ce qu’il fallait.
Pour moi ce fut rapide et sans problème. Mais pour A., ce fut totalement différent. Elle lui trouva plusieurs caries et A. y retourna donc deux fois. Mais dès la première fois, elle lui traita une dent, la dénervant improprement et insérant mal le plomb. La gencive d’A. se mit à gonfler, la peau à devenir bleue puis desquamer. Sa deuxième visite n’arrangea pas les choses. Le plomb fut ôté et un nouveau remis. Alexandra continua d’avoir des douleurs pendant un an. Elle alla voir un autre dentiste puis un troisième. Finalement la dent fut ôtée et remplacée par une dent en céramique. Maintenant cet endroit est très sensible et très fragile. A. dès qu’elle est stressée, fatiguée, développe une parodontite locale qui la fait souffrir pendant plusieurs jours. Si j’avais su, jamais je ne l’aurai emmené chez ce premier dentiste nul et bien sur, plus jamais je ne demandai conseil à cette collègue.
Je profitai du changement de dentiste d’A. pour faire une nouvelle visite. Ce fut l’épisode de l’engueulade dans la taxi. Elle avait été consulter la dentiste chez qui tout le théâtre Ilkhom allait se faire refaire les dents, dans une clinique du sud de la ville. En arrivant, A. était dans un état de nerfs et de tristesse énorme. Moi toujours énervé, je questionnai sans cesse la dentiste, lui posant des questions sur ce qu’elle allait faire. Alexandra était encore plus excédée… Mais une année plus tard alors qu’elle consulterait son troisième dentiste, un ami à elle, aussi serveur au bar du théâtre Ilkhom et qui lui, fit bien son boulot ; elle admettra finalement comprendre ma méfiance et mon désir de savoir ce que font les médecins.
A. régulièrement, à cause de sa dent, de ses règles, de son alimentation, de son stress avait des douleurs : sinusite maxillaire, mal de crâne… Sur les conseils de sa mère, elle prenait des pilules avec des oligo-éléments et consultait un cabinet de médecine alternative. Cela fut l’occasion pour moi sur ses conseils (j’avais attrapé une crise d’urticaire) d’avoir une nouvelle expérience médicale, d’un type particulier. Je pris donc rendez-vous. Il y avait beaucoup de monde dans ce cabinet. Sans doute parce que c’était une façon de se guérir (réelle ou effet placebo ??) qui coûtait peu chère, qui pouvait être utilisée en prévention et qui n’était pas douloureuse. Au départ, on me posa des électrodes sur la main (sur les ongles si je me souviens bien) tandis que ma main reposait sur une plaque de métal. J’étais en chaussettes. Sur l’écran de l’ordinateur, la praticienne cliquait sur les noms des différents virus et parasites qu’elle cherchait. Au final, elle imprima une liste de ces virus, bactéries et parasites en me commentant ce que j’avais. En fait pas grand-chose. Sasha en fut même étonnée « vu ton âge » ! Je revins pour me faire traiter : j’étais intrigué. Pendant plusieurs séances, on me mit une sorte de lasso métallique autour de la tête et des épaules. Je me tenais allongé pendant une vingtaine de minutes. Cela était censé tuer les parasites. J’eus aussi une cure de gélules. Cela dura une quinzaine de jours pour les séances de thérapies et un ou deux mois pour les pilules. Au final, un nouveau test fut fait. Tout allait bien. Cela n’avait pas été déplaisant. Cette cure de gélules n’avait pas pu me faire du mal quand aux séances, je ne sais toujours pas trop quoi en penser. Le fait est qu’Alexandra était contente que je l’ai fait et qu’on ait pris tous les deux nos pilules. Donc pourquoi se plaindre !
Activités.
Où sortir ? Que faire le soir et le week-end ? Voilà une bonne question !
Tachkent n’est pas très loin de montagnes : les monts Chimgan où il est agréable de se rendre pour se promener en été et faire du ski en hiver. Il est possible de s’y baigner car il y a un lac. On peut faire l’aller retour sur une journée ou y passer le week-end car le lieu est facilement accessible en voiture, taxi ou en machrutka (petit bus). En deux ans, je n’y suis pas allé une seule fois. Sans doute parce que je n’avais pas de voiture, peut être aussi parce que tout ce que j’en ai vu et entendu dire ne m’a pas excité follement.
Bien évidemment, il est toujours possible de pousser jusqu’à Samarkand en train ou de prendre l’avion pour une destination plus lointaine mais à proximité de Tachkent, Chimgan est le lieu de villégiature privilégié par les gens.
En ville, une fois fait le tour des quelques musées -soit dit en passant, peu intéressants sauf peut être le musée des beaux-arts- on trouve les occupations habituelles : promenades, bazars, bars, restaurants, théâtre et cinéma, boites de nuit et sport.
C’est cela qui me plait à Tachkent : au premier abord austère et grise, cette ville est pleine de ressources et se prête à de nombreuses activités et divertissements.
Les collègues profitent de leur séjour et des prix locaux pour se payer quelques plaisirs : certains prendront des cours de cheval, d’autres des cours de langue. J’ai même un jeune collègue qui ayant fini son contrat et disposant encore de trois mois sur son visa s’est offert des cours de théâtre professionnel.
Moi de mon coté, j’en ai profité pour écrire et imprimer deux livres en une centaine d’exemplaires que j’ai ensuite distribués à mes amis en France. Bref, on se fait plaisir ! Cela ne fait de mal à personne, participe à l’économie locale et permet de décompresser efficacement face à un travail souvent chargé et stressant.
Bien évidemment, il y a quelques petits malins qui distribuent leur carte professionnelle à nombres de demoiselles rencontrées espérant ainsi multiplier les conquêtes. Les miennes sont toutes sales, à force de séjourner dans mon portefeuille. Il faut dire que ma fonction n’est pas de celles qui permettent les rencontres harmonieuses : je suis comptable.
Sports.
Les règles, bien souvent les ouzbeks les ignore. Au sport aussi.
C'est par exemple le cas à la piscine. Les ouzbeks n'ont pas de mer (sauf la mer d’Aral inaccessible et où personne ne se baigne) et nombreux sont ceux qui ne savent pas nager. Les autres sont en grande majorité de piètres nageurs mais qui évidemment se prennent pour les meilleurs. Tous pratiquent le crawl : à grands coups de battoirs dans l'eau, ils parcourent dix mètres et s'arrêtent content d'eux. Ils discutent au milieu du bassin pendant cinq minutes avant de repartir pour dix nouveaux mètres. Bon, si ce n'était que cela mais ça devient exaspérant quant au lieu de nager dans les lignes d'eau, ils nagent en travers s'amusant à passer sous les flotteurs. Donc vous vous nagez, alignant vos longueurs (ce qui n'est pas très malin non plus mais au moins vous n'ennuyez personne!) et soudain vous êtes heurté par quelqu'un qui n'a pas fait attention. Parfois, ils plongent juste devant vous. En fait, ils confondent piscine et parc d'attraction aquatique (ils en ont un pourtant mais qui bien évidemment ne fonctionne pas en hiver). Cela m'a valu maintes colères et engueulades avec ces "nageurs" comme avec les maîtres nageurs qui s'en moquent complètement. Ah, maintenant je suis connu à la piscine de Yunusabad!
Pas très loin de chez moi, il y a un canal (l'Anhor) où j'ai essayé d'apprendre à faire du canoë avant de me mettre à l'eau et de laisser tomber. Il m'est arrivé plusieurs fois d'y voir des jeunes en groupes, en le remontant, qui se baignaient près d'un pont en plongeant depuis les canalisations à ciel ouvert. J'y ai également vu des vieilles femmes, juste ne face du club de canoë, qui se faisaient dorer la pilule. Mon entraîneur m'a expliqué qu'en été, ces deux femmes prenaient leur bain quotidien à cet endroit même. Nous avions descendu l’été précédent, A. et moi, une rivière en France sur quelques kilomètres avec un canoë que nous avait prêté un ami. C’était agréable et relativement facile bien que nous avancions péniblement ne connaissant pas les règles de bases. Sachant qu’il y avait un club de canoë juste en face de chez moi, nous avions décidé d’y prendre des cours. Ce fut très différent : il s’agissait de canoës une place, de compétition donc plus bas. La première heure s’est faite avec des flotteurs. L’équilibre est arrivé peu à peu mais fluctuait selon mon état. Cela nécessitait une attention constante et fatigué, ça ne le faisait pas ! Bref les progrès étaient lents. Les canoës étaient vieux et le club avait peu d’argent. Chacun prenait soin et rafistolait son canoë avec les moyens du bord : sur la rive, il y avait un petit atelier où chacun pouvait poncer, repeindre et réparer son bien. A. a laissé tombé après le premier cours. Moi j’ai tenu plusieurs semaines, suis tombé à l’eau une fois et j’ai arrêté.
Il existe une scène rap en Ouzbékistan et des battles sont organisées : MC, breakdance... Je prends moi même des cours de breakdance une fois par semaine. Hyper physique. J'ai tous les muscles du cou, des épaules et des bras qui travaillent. Je suis bizarrement plus fatigué après ça qu'après les cours de Tækwondo ou de Krav Maga que je prenais avant. Peut être est-ce parce que j'ai oublié ou parce que cela fait travailler des muscles qui n'en avaient pas l'habitude. En tout cas, je suis ravi! C'est la finalité des cours de gymnastique que nous avions pris avec mon ami Richard pendant deux ans il y a quelques années de cela à Nantes. On était fasciné par les breakdancers qui évoluaient en bas de la tour de Bretagne et on voulait se préparer physiquement en suivant des cours de gymnatisque avant d'embrayer sur le breakdance. Voilà c'est fait! Très modestement mais très ludiquement! Et voilà que maintenant je vais assister (et sans doute jamais participer!) aux battles qui se déroulent à Ilkhom dans le cadre des Ilkhom Street Fest ou dans des lieux plus spécifiques du côté du métro Maxim Gorki. En fait, j’ai découvert ces cours en allant à la piscine. Il y a une grande affiche à l’entrée qui informe de toutrs les activités pratiquées sur le site dont justement du breakdance. J’y suis allé une première fois regarder puis j’y suis retourné pour apprendre. 25 000 soums le mois avec 3 cours par semaine. J’y suis allé en moyenne une fois par semaine, ne pouvant m’y rendre plus souvent à cause du boulot… Et de ma fainéantise. En neuf mois, au final, je n’ai pas appris grand-chose. Il aurait fallu que je sois plus assidu d’autant plus que les professeurs ne l’étaient pas non plus beaucoup. Super mignons Losha d’origine azeri et Ruslan d’origine tadjik. Tout en muscles, fins, de beaux visages. Ils avaient formé un groupe professionnels de break dance : King Size et officiaient dans les cafés ouzbeks comme le Salvador Dali ou le Casanova. C’est dans ce lieu que je suis allé les voir avec A. Un café avec une musique très bruyante, des gens plutôt la trentaine venus manger, boire et faire la fête. Des groupes de femmes à fumer et picoler. Par contre, un excellent kuksi (soupe froide piquante coréenne). Une danseuse vient exécuter une danse du ventre puis King Size arrive. Le show est bien rodé et impressionnant. S’il est si bien rodé, c’est justement parce qu’ils se servent des cours qu’ils donnent pour répéter cinq minutes par-ci, cinq minutes par-là. Ils lancent l’échauffement, donnent quelques consignes puis discutent en regardant de loin. Ils sortent fumer une clope, rentrent et font le tour, corrigent quelques postures, s’occupent de l’un ou de l’autre puis vont s’entraîner, reviennent et ainsi de suite jusqu’à la fin. Moi rapidement, je me mets avec les filles. Il y en trois : une jeune de 14 ans mi afghane mi russe. Elle se foulera la cheville au bout de quelques mois et ne reviendra plus. Dommage elle était joviale et enthousiaste. La seconde Gafur (si je n’écorche pas son nom que j’ai toujours eu du mal à mémoriser) est une kazak, la quarantaine, fausse blonde avec toutes ses dents en or !!! Elle travaille à l’organisation du métro. Elle est toujours souriante, ouverte. Et puis il y a la mignonne Kamila, ouzbek…Elle a vingt sept ans, travaille comme commerciale pharmaceutique, habite chez ses parents, a étudiée la psychologie et voudrait pouvoir travailler dans ce domaine. Je me demande ce qu’elles font là. Mais elles m’expliquent que les cours de gymnastique pour femmes ne les intéressent pas. Ici c’est plus physique. Au début, elles sont un peu étonnées que je me joigne à elles puis comprennent que c’est aussi une question d’âge : nous sommes les trois plus âgés. La plupart ont entre cinq et douze ans. Le noyau dur, les plus doués, une dizaine de gars, a entre quinze et vingt cinq ans. Nous répétons non pas dans une salle mais dans un couloir derrière la piscine, à même le sol avec seuls quelques tapis pour les débutants. La plus drôle reste la musique : pas du rap mais du rock hardcore mâtiné de techno.
Bars et discothèques.
Quelques uns des expatriés fréquentent les boites de striptease. Ce serait plus exact de parler de club de lap-dance car striptease, c'est vite dit : les filles ne se dénudent pas mais par contre viennent danser sur vous moyennant de l'argent bien sur. J'y suis allé deux fois.
La première fois, c’était une semaine environ après mon arrivée pour l’anniversaire d’un collègue. Je l’avais croisé lui et un autre collègue dans un restaurant italien. Cela m’a marqué car ils ont commandé des « clubs sandwichs » c'est-à-dire du pain de mie alterné avec jambon, fromage et autres produits, coupé en losanges. Je ne savais pas ce que c’était et j’ai trouvé cela vraiment étrange de manger des apéritifs en repas, une sorte pour moi d’amalgame avec de la junk food. Bref voilà qu’ils me racontent leur virée de la veille : soirée d’anniversaire du collègue qui s’est finie dans un bar à striptease du parc Babour. Je suis curieux, intéressé de savoir comment cela s’est passé. Après cinq minutes, on décide d’y retourner. Le lieu est en sous sol. C’est un club plutôt fréquenté par des locaux. Il n’y a d’ailleurs quasiment personne quand on arrive. On s’installe, commande une corbeille de fruit et du thé. Les filles ne sont pas là puis une arrive et se met à danser tandis que deux autres viennent la rejoindre. En fait, pas de striptease mais juste des danses lascives sur la barre et des filles qui viennent bouger et se frotter à nous. Pour chaque lap-dance, on paye 2000 soums c'est-à-dire 1 euros. Moi je ne sais pas trop ce que je dois faire. Une fille kazak brune vient sur moi. Je lui caresse le dos. Le truc c’est de discuter pour appâter le client et le « fidéliser ». C’est vrai qu’elle est gentille. Je commence à lui caresser les seins mais là elle me fait comprendre gentiment que ce n’est pas possible de la dénuder (elle est en maillot de bain sur moi). Elle me dit son nom, me raconte qu’elle a une fille, me demande ce que je fais. Une autre fille ouzbek puis une russe viendront danser sur moi puis à nouveau la kazak. Idem pour le deux collègues. On restera environ une heure. En fait, cette fille kazak quand j’y repense, sortait un peu du lot.
La seconde fois, c’était lors de ma deuxième année dans un club en centre ville réservé aux expatriés et business men. On sent le mafieux, les filles sont plus froides, on sent la recherche du gain sans ambages. Une fille est venue danser sur moi. Puis cela m’a lassé et je suis parti laissant seul le collègue. Bien que le lieu fût plus chic, l’ambiance y était plus glauque.
Ce n'est pas mon truc. Idem pour les restaurants et boites ouzbeks où le soir, s'y donnent des spectacles : danse du ventre, striptease (encore!), breakdance (encore!). C'est bruyant, voire vulgaire. Tout le monde y parle fort puisque la musique « gueule » et qu’on ne s’y entend pas, les gens boivent pour se saouler. En particulier, il y a beaucoup de tables avec des femmes uniquement la trentaine ou la quarantaine qui viennent faire la fête entre copines : elle fument et boivent sans s’arrêter.
Alors que le Casanova est un restaurant typique avec piste centrale et spectacles, l’Opéra et le Salvador Dali sont plus des boites, avec lumière tamisée et musique en continue mais immanquablement dans le style ouzbek qui se distingue par le fait qu’on n’y va pas pour simplement prendre un verre mais pour y manger puis danser. La musique n’est pas celle des clubs mais plus populaire, un peu la différence entre la boite branchée et la discothèque de campagne avec les tubes à la mode. Je me suis rendu une seule fois dans chacun de ces lieux avec Alexandra et/ou une amie Zulia d’origine tatar que A. avait connue lors de son stage TV.
Il existe aussi des lieux branchés avec un public bien différent comme le bar People très fashion, où on va pour se montrer qui a ouvert à côté de l’Ambassade. Tout le monde est bien sapé, les prix sont en dollars, des filles en bikini dansent et tout le monde se regarde, se jauge! Intéressant et distrayant cinq minutes. J’y suis allé plusieurs fois avec A. et un collègue de l’Ambassade. Un cocktail sans alcool pour moi, une sambouka pour A. Sur une petite scène, un DJ et des danseuses alternent. Les gens dansent à côté entre le bar et la scène. Peu d’espace, toujours les mêmes têtes mais j’ai un souvenir très fort d’A. y dansant. A. danse comme prise de spasmes, d’une manière très particulière, propre à elle et elle ne se soucie pas du quand dira-t-on. J’aime la regarder. C’est aussi la seule fois où j’ai vue la femme d’un expatrié, une blonde d’origine russe, s’amuser. A chaque fois que je l’ai croisée, elle et son mari avaient toujours l’air si réservés comme s’ils étaient trop bien élevés. Là, elle s’amusait avec ses copines comme une folle !
Je préférais fréquenter des clubs comme le Bahran, un lieu en sous-sol du côté de Mustaquilik. On retrouve le même style de gens, ayant de l’argent, mais l’ambiance y est plus simple : une clientèle adéquat, réservée, calme et fêtarde en même temps. Les gens viennent vraiment se distraire et s’amuser. Ils n’ont cure de qui fait quoi et c’est pourquoi j’apprécie particulièrement ce lieu.
Dans ces endroits, ce qui est bien c'est qu'il y a des cocktails sans alcool. Cela change des classiques jus de fruits ou divers soda. La musique y est agréable, typiquement de la musique de club pour danser.
J’y suis allé plusieurs fois avec A. Une des premières fois, nous y avons croisé Saïd puis Malika de Ilkhom. Je ne les connaissais pas encore vraiment. Saïd est un ouzbek blagueur qui prenait des cours de français puis finit par se faire virer du théâtre car il travaillait également ailleurs. Malika est la pin up ouzbek de Ilkhom, elle a un enfant et cherche sa voix. Parfois j’y allai seul comme à la soirée Halloween. Une grande fête avec un gâteau halloween. Une soirée mémorable fut celle du nouvel an. Après avoir commencé à faire le fête à Ilkhom, tout le monde décida d’aller au Bahran sous la conduite de John. Moi, A., Barisov et Vieta, John et son copain, Malika, Nargiz et quelques autres personnes. J’ai commencé à dragouiller Vieta à Ilkhom, je continuai à Bahran devant A. et Barisov, comme un jeu, pas pour les provoquer mais plus pour m’intéresser à elle. Elle jouait les froides et désintéressées. J’ai dansé avec A. bien évidemment, avec Malika mais surtout avec Nargiz. Elle ne m’aimait pas beaucoup, je ne sais pas pourquoi. Une sorte de méfiance envers moi. Peut être parce qu’elle était « sortie » avec un collègue français bien que ouvertement et de préférence lesbienne. Elle n’avait pas arrêté de clamer ce soir là ses préférences sexuelles en voulant un « lieu avec des femmes ». Je voulais rompre cette glace entre nous. Nous avons donc dansé et discuté et bizarrement cette opération de séduction a réussi. Ensuite, jusqu’à mon départ, elle me témoignera de l’attention, des sourires et sera contente de me voir quand on se croisera. Ce soir du nouvel, un énorme gâteau fut apporté et une danseuse topless assura l’ambiance. C’était assez étonnant. C’est la seule fois où je vis une « stripteaseuse » hors des deux expériences en club évoqués précédemment. Des stripteaseuses se produisent régulièrement dans certaines boites parait-il mais comme je ne suis pas un assidu…
Ensuite nous avons bougé au « Jahra » (« Chaleur »), un boite dans le centre près de l’ancienne rue surnommée « Broadway ». Nous y sommes restés très peu de temps puis chacun est reparti de son côté.
Mais ce soir là, j’avais quand même provoqué la jalousie d’A. qui me le fit payer en se disputant avec moi en rentrant sous prétexte que je chipotais pour le prix du taxi et qu’elle avait froid. Elle n’ira pas dormir finalement chez moi et ira retrouver ses amis dans une autre boite alors qu’on s’était éclipsé vers les 3h du matin.
Le bar CMI, dans le même style que le précédent, mais moins « je viens me montrer » a réouvert pas très loin de là où j’habite. Une aubaine. C’était l’endroit où je préférais me rendre après le Bahran : proche de chez moi, agréable. Je m’y suis rendu souvent à la fin de mon séjour d’autant plus que je n’étais plus avec Alexandra et qu’il me fallait sortir pour ne pas tourner en rond. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’y croiser plusieurs fois A. avec son nouvel ami. J’y ai emmené Kamila et Zulia, j’y ai rencontré des têtes connues, revu une serveuse du VM bar que j’aimais bien. J’y prenais toujours deux cocktails dont un mojito sans alcool puis partais. J’y restai donc une heure environ avant minuit. La musique y était agréable, les gens beaux…La première fois où je suis venu ils avaient de petites serviettes rouges pour les mains dans les toilettes!!! La fois d’après, elles avaient disparu… A. y a fait une exposition.
Le Cinzano est une autre boite branchée et huppée dans le centre. Impressionnante car en plein air : une scène pas très grande en bois, un écran géant derrière retransmettant les gens sur la piste. A côté, un bar sous un barnum et autour dans les allées, des tables à ciel ouvert ou sous des tentes. Très chic. Je n’y suis pas allé souvent et toujours seul.
Enfin, les bars rock : le plus renommé étant le VM, Verticalne Mir c'est à dire le monde vertical en hommage aux sports extrêmes avec une chaîne qui diffuse en continue des émissions sur ce thème. Mais c'est avant tout un bar où on vient faire la fête, boire, où les bikers, rockers, jeunes, artistes...et aussi pas mal d'expatriés, se retrouvent. Il y a des concerts régulièrement et la bière n’y est pas chère. Les artistes en question sont ceux du théâtre Ilkhom et tous ceux qui le fréquentent. Bar « rock » typique.
Et il y a le Cotton Club ! Je n’y suis allé que deux fois dont une fois avec A. La seconde fois, c’était à notre retour de Moscou alors que nous avions rompu. Le soir même, quelques heures après être arrivé, triste, démoralisé, au trente sixième dessous et ne voulant pas rester seul à pleurer dans mon appartement, j’ai décidé d’appeler Sasha, un ami bassiste dans un groupe de rock local : Krila Origami. Nous nous entendions bien et étions toujours content de nous voir même si nous n’avions pas beaucoup de choses à nous raconter. Il ne répondit pas mais me rappela : ils étaient au Cotton Club et devait jouer le soir même. Je décidai de les rejoindre. Arrivé sur les lieux, je rentrai pour voir si Sasha était bien là mais ne le voyant pas je ressortais. J’étais dehors et allais repartir quand quelqu’un me saisit par l’épaule. C’était lui qui m’avait vu. On rejoint sa table. Il y avait tout le groupe : c'est-à-dire Ashot le guitariste chanteur et son amie Munira, un autre type, guitariste que je ne connaissais pas et Marat, batteur de plusieurs groupes de Tachkent avec sa copine coréenne, enfin Sasha le bassiste accompagné de deux filles inconnues. Je commençais à boire avec eux, de la bière brassée sur place, offris des tournées, bref, je m’enquillais bière sur bière et j’en bu bien une dizaine pendant la soirée (je ne bois jamais normalement). Eux étaient aussi fin saoul et fumait… Surtout Marat. Le concert commença. Très bon moment. Sans doute un de leurs meilleurs concerts mais personne ne doit s’en rappeler tous bourrés qu’on était. Pendant le concert, je passais de la bière à Marat qui suait comme une bête. Je me baladai à droite et à gauche, je croisais deux collègues dont l’un me dira plus tard : « le cuir l’autre fois (au Cotton club) c’était quand même mieux que la costard cravate ! » Puis j’essayai de les éviter pour qu’ils ne se rendent pas compte que j’étais complément saoul. Mais eux l’étant aussi… J’allai dans la salle buvant bière sur bière, me cognai à un gros ouzbek qui dégageait son chemin genre « laissez moi passer, c’est moi le chef ! », je cherchai Munira du regard quand ça n’allait plus. La voir, sa présence, avait une fonction apaisante : « ok, elle est là. Tout va donc bien ! ». Marat et sa copine étaient affalés sur les divans là où nous étions au début à se rouler des pelles. Marat serait virer du groupe peu après car pas assez fiable, toujours à picoler et fumer. Les autres étaient dans une salle à côté. En essayant de les rejoindre, je me retrouvai dans les chiottes puis commandai une autre bière en sortant. Au bar, il y avait une des deux filles qui était avec Sasha au début. Je commençai à papoter avec elle tranquillement et lui posai la main sur l’épaule style pour appuyer un argument et elle se mit à gueuler en anglais : « don’t touch me ! ». Oula !!! Trop speed la fille ! Je ma barrai pour trouver un karma plus agréable et rejoins les autres. Au passage, je m’accrochais à un autre type à la table à côté de celle de Sasha et Ashot. Je ne sais plus exactement pourquoi. Il y eut un mouvement d’inquiétude de la part de mes amis mais je calmai le jeu en baragouinant une connerie et fin saouls tous les deux, le type et moi, on se prit dans les bras pour se quitter bons amis. Ashot me fit une remarque comme quoi cela avait failli mal se passer.
Après cinq minutes, ne tenant pas en place, je me levai sans but puis me décidai à partir.
Dehors je m’approchai d’un taxi déjà occupé par des clients du bar. Ils me démarrèrent sous le nez. Je hélai un autre taxi. Ça n’allait pas des masses. Plus je m’approchai de chez moi, moins ça allait. Devant la moïka, je dis au conducteur de s’arrêter. J’ouvris la porte et vomis dehors en éclaboussant un peu sa petite Matiz. Je luis donnai une poignée d’argent (je ne sais vraiment pas combien) et me suis barré. Je m’affalai dans mon entrée après avoir fermé la porte de mon appartement et y dormi jusqu’au lendemain matin… Tout cela à cause de ma rupture avec A. !!
Et enfin toute une communauté de gothique qui traîne je ne sais trop où. J'en croise de temps à autre dans les parcs quand je me promène mais je ne sais pas trop où ils se réunissent.
Théâtres et cinéma.
Le théâtre Ilkhom est un théâtre privé dont le fondateur et metteur en scène Mark Weill a été assassiné il y a quelques années de façon assez obscure. C'est un théâtre qui se veut provocateur mais qui reprend aussi des grands classiques, mélangeant les techniques modernes de narration : videos en fond d’écran, musique live pour accompagner, et d'autres plus anciennes : instruments folkloriques, marionnettes. Alexandra y a étudié une année, celle de la mort du directeur. Elle continue de fréquenter les lieux puisque la plupart de ses amis en sont issus.
Il s'y donne des représentations théâtrales mais aussi des concerts rock, des performances, des lectures, des festivals comme le Ilkhom Rock Fest qui présente une fois par mois des groupes de rock (sponsorisé par un marque de bière), le black box : festival pluridisciplinaires (films, vidéos, musique....), le Ilkhom Street Fest (rap, MC, break)…
Bien évidemment tout cela est l'occasion de belles et mémorables fêtes. Je n'en dirai rien car tout le monde peut facilement imaginer ce que cela peut donner.
C’est sans doute le lieux le plus intéressant de Tachkent et j’y étais une fois par semaine pour une voir un spectacle ou rejoindre avec A. et ses amis.
Enfin, il y avait un troisième lieu culte qui a été fermé par les autorités au début de 2010. Il s'agissait du cinéma Muzei Kino où étaient projetés des films d'auteurs de toutes nationalités. Le seul lieu où on pouvait voir les films italiens des années 70, des films russes actuels...Son directeur artistique coordonnait et organisait aussi régulièrement, environ tous les deux mois, un festival de vidéos. Il stimulait ainsi un petit groupe d'une vingtaine d'artistes qui font des films vidéos (Alexandra en fait partie) et qui avaient ainsi l'occasion de faire et présenter leurs films à une audience souvent la même mais critique et intéressée par cet art. Maintenant que le lieu est fermé, il n'existe plus d'endroits pour que leurs courts métrages vidéo soient montrés!
Magasins et marchés.
Pays en avance sur son temps (peut être grâce à la Chine?), les marchés d’Ouzbékistan vendent des CD et DVD double face. Ben oui, c'est bête comme chou mais je n'ai jamais vu cela en France. Bon je ne suis pas adepte des sorties rue Montgallet dans le 13ème arrondissement de Paris, là où il y a tout plein de boutiques d'informatique mais je ne suis pas non plus un inculte.
Finies aussi les discussions sur l'ouverture des magasins le week-end. Ici tous les commerces sont ouverts samedi et dimanche sauf quelques boutiques! C’est bien pratique.
Nous entrons un soir vers 21h00 avec A. et Suhrob, un de ses amis, dans un petit commerce, une épicerie pour y acheter quelques trucs à manger et à boire car nous avons prévu de passer la soirée ensemble. Un homme est devant nous. Il est en train de commander à la femme qui tient la boutique un sandwich. Elle sort du pain, le coupe puis prend du saucisson sur son étal, en coupe quelques tranches suivant les voeux de son client et lui prépare son sandwich. Je l'avais entendu dire qu'on pouvait se faire faire un sandwich sur commande comme cela mais je ne l'avais encore jamais vu. J'ai trouvé cela très bien, très humain et même tendre!
Terminons cette partie sur une note moins gaie.
Des rustres, des mal élevés, voilà ce qu'on croise régulièrement. Vous faites la queue pour payer dans un magasin ou pour demander un produit dans une pharmacie par exemple et il y en a toujours un pour déboucher sur votre droite ou votre gauche, en vous bousculant en plus, pour prendre votre tour. J'ai un souvenir très précis d'un tel incident : j'étais avec A. à un guichet de l'aviakassa pour acheter un billet d'avion pour Nukus. L'employée était occupée sur son ordinateur et j'attendais qu'elle ait fini pour lui parler quand un type est arrivé, s'est appuyé sur le comptoir et lui a commandé un billet. Je suis resté pendant un très court instant sans voie puis le type m'a entendu! J'étais tellement énervé que j'ai appelé un policier (il y en a toujours à l'intérieur). Le type a lâché le morceau et est allé s'asseoir. Tout le monde se marrait et bizarrement c'était moi la risée du public qui ne comprenait pas, mais alors pas du tout, pourquoi cela m'avait tant énervé. A. m'expliqua que c'était commun et que ce que j'avais fait c'était comme pisser dans un violon : inutile, du temps perdu.... Ouais, mais au moins je me sentais bien!